On se compose les yeus à douceur et pitié, on, adoucit le front, on amollit le langage, encore que de son naturel l'Amant ust le, regard horrible, le front despité, et langage sot et rude : car il ha incessamment au. Et guidera Folie l’aueugle Amour, & le conduira par tout où bon lui ſemblera. Tu ne m’uſſes pù empeſcher, eſtant ſi jeune & foible. Et, quand toy seul ferois aymer, quelle seroit ta gloire si je ne faisois paroitre cet amour. AMOUR. Elle lui ha fait connoitre qu’elle auoit puiſſance de lui oter les yeus. Car n'estans, point encore de gens politiquement vertueus, il n'y pouvoit estre gloire, ny envie de, gloire. Et donques Folie, la plus miserable chose du monde, ha le pouvoir d'oter, à Venus le plus grand plaisir qu'elle ust en ce monde : qui estoit quand son fils, Amour la voyoit. Ie n’auroy jamais fait, ſi ie voulois raconter combien d’honneur & de reputacion tous les jours ſe donne à cette Dame, de laquelle vous dites tant de mal. moy, quel est ce grand pouvoir dont tu te vantes ? Mais le plaiſir que Folie donne, n’a ſi petites bornes. Il me ſemble que ſeroit folie parler des ſottes & plaiſantes Amours vilageoiſes marcher ſur le bout du pié, ſerrer le petit doit : apres que lon ha bien bu, eſcrire ſur le bout de la table auec du vin, & entrelaſſer ſon nom & celui de s’amie : la mener premiere à la danſe, & la tourmenter tout un jour au Soleil. Mais il ne ſauoit pas qu’il fuſt de tel pouuoir. Cesse tes pleintes douce mere : et ne me redouble mon mal te voyant, ennuiee. se pleint de la cruauté de la sienne. En ce eſtoit ſon contentement, ſon deſir, ſa félicité. Les difficultés de langue sont éclairées par l'annotation ; nous avons en outre adapté la mise en page en ajoutant des alinéas pour en faciliter la lecture : c'est la première fois que le texte de Louise Labé est ainsi rendu … Le sommaire de mon oraison sera conserver ta. Le fol ſe mettra entre dix mile harquebuzades, & poſſible en eſchapera : il ſera eſtimé, loué, priſé, ſuiui d’un chacun. O infame et detestable, tu te vanteras que ne t'ay pu fraper, que tu, m'as oté les yeus, et trompe en me fiant en toy. Et pourtant, ſ’il eſt plus honorable entre les hommes dire un tel ayme, que, il eſt fol : que celà leur ſoit imputé à ignorance. Et encore ceus, qui par longues alliances, ou par entrees ont pratiqué le moyen de voir leur amie en leur maiſon, ou de leur voiſin, ne viennent en ſi eſtrange folie, que ceus qui n’ont faueur d’elles qu’aus lieus publiques & feſtins : qui de cent ſoupirs n’en peuuent faire connoitre plus d’un ou deus le mois : & neamnoins penſent que leurs amies les doiuent tous conter. Au moins si te pouvois arroser la plaie de mes larmes. Qu’à la malheure fut ce banquet ſolennel inſtitué pour moy. Diray, je que la Musique n'a esté inventee que par Amour ? Es tu point quelque Circe, ou Medee, ou quelque Fée ? Ie ſay bien qu’un grand Signeur ſe fache de faire longuement la court, que ſes afaires d’importance ne permettent pas qu’il s’y aſſugettiſſe, & que les honneurs qu’il reçoit tous les iours, & autres paſſetems ſans nombre, ne lui permettent croitre ſes paſſions, de ſorte qu’elles puiſſent mouuoir leurs amies à pitié. Jupiter faisoit un grand festin, ou estoit commandé à tous les Dieus se trouver. Ie vous prie imaginer un ieune homme, n’ayant grand afaire, qu’à ſe faire aymer : pigné, miré, tiré, parfumé : ſe penſant valoir quelque choſe, ſortir de ſa maiſon le cerueau embrouillé de mile conſideracions amoureuſes : ayant diſcouru mile bons heurs, qui paſſeront bien loin des cotes : ſuiui de pages & laquais habillez de quelque liuree repreſentant quelque trauail, fermeté, & eſperance : & en cette ſorte viendra trouuer ſa Dame à l’Égliſe : autre plaiſir n’aura qu’à geter force œillades, & faire quelque reuerence en paſſant. acuser ou defendre quelcun ? Donq pour ſe faire aymer, il faut eſtre aymable. Laiſſe moy porter ſeul mon infortune : & ne deſire point mal à ceus qui me ſuiuront. Car nous voulons faire paroitre, & eſtre eſtimé ce à quoy nous nous ſentons enclins. As tu defiance, ou que je. lls entrenten dispute sur leurs puissances, dinitez et preseances. Celui qui voit que, l'homme (quelque vertueus qu'il soit) languit en sa maison, sans l'amiable, compagnie d'une femme, qui fidelement lui dispense son bien, lui augmente son. Il n'y ha animant courtois et gracieus que l'homme, lequel puisse se rendre, suget aus complexions d'autrui, augmenter sa beauté et bonne grace par mile, nouveaus artifices : plorer, rire, chanter, et passionner la personne qui le voit. Ma liste de lecture. Voila toutes mes flesches. Car qui ust sù si son affeccion ust passé, celle des autres femmes, qui ont aymé, et regretté leurs maris et leurs amis ? Vous verrez qu’il reconnoitra verité. Débat de Folie et d’Amour Louise Labé, poète français (1525-1566) Ce livre numérique présente «Débat de Folie et d’Amour», de Louise Labé, édité en texte intégral. Tout ce que nous aquerons, nous le laiſſons à nos enfans : mon treſor n’eſt que beauté, de laquelle que chaut il à un aveugle ? Aumoins di moy, quiconque sois, si à l'aventure ma. Il y en ha qui rencontrent Dames cruelles, deſquelles iamais on n’obtient merci. ne les ay ie fait sortir de leurs abimes, et venir eſpouuenter les humains, & rauir les filles à leurs meres : quelques iuges qu’ils ſoient de tels forfaits & tranſgreſſions faites contre les loix ? les loix ? Sans y penser je me trouve hors de peine. mis ce bandeau qui jamais ne me peut estre oté. he moy miſerable ! Et avec tout celà, l’habit propre comme la feuille autour du fruit. Une table des matières dynamique permet d'accéder directement aux différentes sections. Mais leur folie eſtoit à courir l’un apres l’autre : à monter ſus un arbre pour voir de plus loin : rouler en la vallee : à manger tout leur fruit en un coup : tellement que l’hiuer n’auoient que manger. Car, comme vous ſauez, ainſi qu’Amour tire au cœur, Folie auſſi ſe getté aus yeus & à la teſte, & n’a autres armes que ſes doits. VENUS. Me penſes tu de ſi peu d’entendement, que ie ne connoiſſe à ton port, & à tes contenances, quel ſens tu peus auoir ? Isabelle GARNIER-MATHEZ, Daniel MARTIN. C’eſtoit Folie & un enfant, auquel ne failloit auoir egard. Car c’eſt une treſmauuaiſe compagne d’Amour que Poureté : laquelle eſtant ſuruenue, on connoit ſa folie, & lon s’en retire à tard. Les hommes en usent ou pour adoucir leurs, desirs enflammez, ou pour donner plaisir : pour lequel diversifier tous les jours ils. Laquelle, si elle est belle, elles, contregardent tant bien contre les pluies, vents, chaleurs, tems et vieillesse, qu'elles, demeurent presque tousjours jeunes. Si celles des hommes te peuuent forcer et t’ont fait pluſieurs fois tomber des mains, ſans mal faire, la foudre que tu auois contre eus preparee : quel pouuoir auront les notres, auſquels as communiqué ta puiſſance & autorité ? Tu as mis toute la compagnie en peine. Mais c’eſt une petite colere, qui lui ronge le cerueau, qui lui fait auoir ces eſtranges afeccions : leſquelles ceſſeront quand il ſera un peu refroidi. Car, où Amour voudra faire cette harmonie entre les hautes et basses personnes, Folie. Quant à la ſeconde iniure, que Folie lui a mis un bandeau, ceci eſt une pure calomnie. Ainſi ſe chatient les ieunes et preſumptueus, comme toy. L’un loue le bon traitement de s’amie : l’autre ſe pleint de la cruauté de la ſienne. Exprimez tant que voudrez la force d’un œil : faites le tirer mile traits par iour : n’oubliez qu’une ligne qui paſſe par le milieu, iointe auec le ſourcil, eſt un vray arc : que ce petit humide, que l’on voit luire au milieu, eſt le trait preſt à partir : ſi eſt ce que toutes ces fleſches n’iront en autres cœurs, que ceus que Folie aura preparez. La plaie se. Car le deſir inceſſamment ſe demeine dedens l’ame, la poingnant touſiours & reſueillant. Il n’y ha lieu ou n’aye laissé quelque trofee. À ce que ie voy, ie ſeray la derniere au feſtin de Iupiter, ou ie croy que Et toy, Venus, quel des Dieus choiſiras tu ? Folie ! Estans ainsi en, meurs, complexions, et forme dissemblables, sont neanmoins ensemble liez et, assemblez par une benivolence, qui les fait vouloir bien l'un à l'autre : et ceus qui en, ce sont les plus excellens, sont les plus reverez entre eus. II n'en ira pas ainsi : car avant que tu m'eschapes, je te donneray à. connoitre que tu ne te dois atacher à moy. Amour eſt entré on colere. Quelle folie fuſt ce d’aller ſous terre chercher le fer & l’or ? je suis donq aveugle à jamais. S’il eſt permis à chacun atenter ſur le lien qui entretient & lie tout enſemble : ie voy en peu d’heure le Ciel en deſordre, ie voy les uns changer leurs cours, les autres entreprendre ſur leurs voiſins une uniuerſelle : ton ſceptre, ton trone, ta mageſté en danger. Si ſes yeux ne lui deuoient eſtre rendus, que lui nuit le bandeau ? Donques les hommes ſont faits l’image & ſemblance de nous, quant aus eſprits : leurs corps ſont compoſez de pluſieurs & diverſes complexions : & entre eus ſi diferens tant en figure, couleur & forme, que iamais en tant de ſiecles, qui ont paſsé, ne s’en trouua, que deus ou trois pers, qui se reſſemblaſſent : encore leurs ſeruiteurs & domeſtiques les connoiſſoient particulierement l’un d’auec l’autre. Autres ſont ſi ruſees, qu’apres les auoir menez iuſques aupres du but, les laiſſent là. Ce pendant elle m’a commandé venir vers toy te donner le bon iour. aſſemblerày ie les maus qui ſeroient au monde ſans Folie, & les commoditez qui prouiennent d’elle ? commoditez provenans aus hommes par Amour ont bien aydé à l'estimer grand. Le ſein aparoit de tant plus beau, qu’il ſemble qu’elles ne le veuillent eſtre vù : les mamelles en leur rondeur releuees font donner un peu d’air au large eſtomac. Comment oté ! Combien dureroient peu aucuns mariages, ſi la ſottiſe des hommes ou des femmes laiſſoit voir les vices qui y ſont ? Le Débat de Folie et d'Amour, Louise Labé. Il sembleroit à t'ouir que chacun tienne sa vie de ta, merci : et que tu sois le vray Signeur et seul souverein tant en ciel qu'en terre. Pource que ie ſay que de premier bond la plus part de ces ieunes Dieus ſeront du côté d’Amour, & pourront faire trouuer ma cauſe mauuaiſe en m’interrompant, & ayder celle d’Amour accompagnant ſon parler de douces acclamacions : ie te ſuplie qu’il y ait quelcun des Dieus qui parle pour moy, & quelque autre pour Amour : à fin que la qualité des perſonnes ne ſoit plus tot conſideree, que la verité du fait. Helas fils, infortuné ! Cet, amour que l'on porte en general à son semblable, est en telle recommandacion, entre les hommes, que le plus souvent se trouvent entre eus qui pour sauver un, pais, leur parent, et garder l'honneur de leur Prince, s'enfermeront dedens lieus peu, defendables, bourgades, colombiers : et quelque asseurance qu'ils ayent de la, mort, n'en veulent sortir a quelque composicion que ce soit, pour prolonger la vie à. ceus que l'on ne peut assaillir que apres leur ruine. l'on dit s'y trouver.
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